Un bijou de pacotille
Ahmed lâcha fébrilement son verre de thé qui se fracassa sur le sol avec
un bruit retentissant qui perturba la sérénité de ce petit café
surplombant le fleuve de la Meuse à Rotterdam. Une douleur subite lui
perça le cœur, il n’en croyait pas ses yeux, devenus exorbités par le
choc foudroyant.0
Un octogénaire qui regardait nonchalamment la rue en buvant sa liqueur à
petites gorgées, remarqua la métamorphose que subit la face de son
voisin de table,il lui demanda :0
Vous avez vu des fantômes dans cette voiture que vous dévorez des yeux ?0
-Non …des diables cornus… » bégaya Ahmed,surpris,en s’essuyant nerveusement un front sur lequel perlait une sueur froide.0
-C’est une histoire de cocuage, c’est çà ?0
Sans lui répondre,il fit tomber sa table en voulant se lever pour
partir,mais l’homme lui retint la main en souriant ,« Ce n’est pas comme
çà qu’on règle ces affaires,prends un café et détends-toi,tu n’es pas
le premier et tu ne seras pas le dernier… » lui affirma-t-il.0
Un peu plus tard, Ahmed marchait d’un pas lent pour allonger encore le
trajet qui le séparait de son appartement. Il se mettait à penser à sa
fête de mariage,il y avait un an à Ouarzazate. C’était un vrai festin
pour son petit douar, tout s’était bien passé selon les traditions. Il
était très heureux en jouant l’Ahidouss avec ses amis .Sa superbe
voiture immatriculée NL lui attirait leurs compliments. Les filles
souhaitaient être à la place de l’heureuse élue,la belle B., c’était sa
tante qui lui avait déniché ce bijou…0
« Je ne savais pas qu’il y avait de faux bijoux… » se dit-il en soupirant. Il battait le pavé jusqu’à la nuit tombante.0
En rentrant chez lui,il trouva sa femme en train de prendre un bain,elle
chantonnait allègrement et prenait bien son temps. Ahmed tomba sur un
fauteuil en allumant le poste de télévision d’un geste familier, mais il
n’avait de cœur à rien. De temps à autre, il se couvrit le visage de
ses deux mains en se frottant le front et se mordant la lèvre
inférieure, comme pour refréner en lui la bête qui tirait sur sa laisse
en voulant se déchaîner.0
Le souvenir d’un jour fatal lui revint brutalement à l’esprit comme une
flèche envenimée tirée par un ennemi invisible. C’était le jour où il
rencontra par hasard, son patron qui faisait du jogging pas loin de son
domicile à Rotterdam. L’hospitalité marocaine est partout où on va. Il
jugea alors opportun de l’inviter à prendre le thé chez-lui….0
A suivre...